statistiques CHARLEMAGNE

CHARLEMAGNE, par Alphonse VÉTAULT, ancien élève de l'école de Chartes
Edition fac-simile de 1882, qualité 2, 1 volume 20,5x28,5, 620 pages  :
52 € 
AGRÉMENTÉ DE 22 PLANCHES HORS TEXTE DONT 4 EN COULEURS, ET DE NOMBREUSES ILLUSTRATIONS
Introduction de Léon Gautier

Quelques petits esprits de notre temps se plaisent à railler ces âmes vastes et élevées qui, parmi nous, croient encore aux hommes providentiels.

Cependant rien n'est plus naturel, quand on  croit à l'action de Dieu sur les hommes et sur les peuples, que d'admettre la mission de certains personnages dont l'histoire a consacré les noms. Dieu, qui pourrait gouverner le monde directement et sans intermédiaire, daigne nous faire participer à l'administration de son immense empire. Pour mener des hommes faits d'esprit et de chair, il se sert d'hommes faits d'esprit et de chair. Il les envoie à leur heure, les façonne de toute éternité, et, sans leur rien ôter de leur libre arbitre, se sert de leurs libres vertus pour agir sur toute une nation , sur toute une race ou sur le monde entier. C'est ainsi que Dieu a préparé Charlemagne; c'est ainsi qu'il s'est servi de lui pour relever dans le monde le royaume menacé de son Christ et les destinées de son Église.

Le spectacle de l'Europe n'était pas fait, durant la seconde moitié du viiie siècle, pour inspirer aux chrétiens d'autre confiance que leur espoir, leur invincible espoir en Dieu. L'Italie rompait les derniers liens qui l'attachaient à l'empire grec, mais elle n'était même pas de force à avoir des aspirations vers l'unité. Au centre se tenait le pape, entouré d'ennemis perfides et violents : le plus dangereux était le Lombard, qui prétendait à l'héritage des anciens empereurs et jugeait utile de confisquer tout d'abord l'indépendance du souverain pontife. Les Sarrasins faisaient, de temps à autre, quelque descentes impétueuse sur les côtes italiennes et s'aventuraient audacieusement jusque sous les murs de Rome. Ils avaient mis la main sur l'Espagne, qui s'était héroïquement débattue pendant près d'un siècle, mais qui, sous cette épouvantable étreinte, semblait perdre enfin la respiration et la vie. Ce n'est pas aux empereurs d'Orient qu'on pouvait demander de résister à ces envahissements victorieux des infidèles : les Grecs s'enfonçaient dans leurs sophismes et dans leurs subtilités; le sens de l'unité religieuse leur échappait de plus en plus; il y avait du schisme dans l'air : Photius allait naître. Les populations chrétiennes de la Grèce étaient sans cohésion et sans force. Au milieu de l'Europe on voyait s'étendre, comme un océan , l'immense Germanie, et l'on y entendait sans cesse ce grand bruit que font les peuples en mouvement. Car les invasions n'étaient pas achevées, et d'innombrables bandes de tribus barbares se dirigeaient sans cesse vers l'Occident. Quelques nations slaves ou tatares se montraient aussi menaçantes, et les Vélétabes d'une part, les Avares de l'autre, jetaient de loin vers le Rhin des regards aussi avides. Un paganisme farouche et grossier régnait parmi toutes ces populations, et, parmi tant d'ennemis du Christ, les Germains n'étaient ni les moins sauvages ni les moins dangereux. Ils assassinaient les missionnaires chrétiens, et organisaient contre les peuples baptisés une lutte sanglante et décisive. De vastes fédérations se nouaient entre ces tribus païennes : les Saxons formaient la plus terrible de toutes ces ligues, et s'apprêtaient à la bataille. Quant à l'Angleterre, où vivaient d'autres Saxons convertis au Christ, rien ne donnait lieu de pressentir que cette île sans importance dût un jour faire quelque figure dans le monde, et l'on y comptait trop de petits royaumes pour que l'on fût autorisé à espérer un grand peuple.

Restait donc la France. Mais c'était assez.