DU CATHOLICISME DANS L'ÉDUCATION, par Mgr GAUME

Édition entièrement recomposée, qualité 3, 231 page, 14,5 x 20 : 15 €

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AVANT-PROPOS

 

L

e plus terrible châtiment des sociétés coupables, ce n'est ni le malaise intérieur qui les tourmente, ni l'opprobre qui les couvre, c'est la perte de l'intelligence et du sens moral. Pour elles, tous les rapports sont changés ; l'accessoire est devenu le principal : la vertu, c'est l'argent ; l'homme, c'est le corps ; le présent est tout, l'avenir n'est rien. Pour elles, plus d'autres réalités que les plaisirs et les affaires. Voyez-les, d'une part, épuisant leurs ressources à creuser des canaux, à bâtir des manufactures et des théâtres ; de l'autre, attachant une importance ridicule à des formes éphémères, se consumer elles-mêmes en intrigues, en agitations, en luttes sans cesse renaissantes pour le maintien et le renversement de telles ou telles combinaisons politiques, tandis qu'elles méconnaissent éternellement leurs premiers, leurs plus chers intérêts. Qu'ils sont vains les hommes et les peuples en qui n'est plus la science de Dieu[1].

Toutefois Celui qui dans Sa puissance oppose une digue insurmontable aux vagues de la mer, a fixé, dans Sa miséricorde, un terme aux erreurs et aux maux des fils d'Adam. Il semble approcher, le jour où la Providence a résolu de guérir les nations de la terre. Déjà l'esprit d'indifférence et d'incrédulité semble perdre de sa force ; de toutes parts les catholiques affirment leur attachement pour la religion ; déjà les faits commencent à parler. Et nous aussi, nous croyons à un avenir meilleur. Cependant, nous ne le dissimulons point, pour nous, le temps de l'espérance ne touche pas encore à son terme. Le retour des peuples sera long ; l'espace qu'ils ont franchi dans leurs égarements est si grand ! D'ailleurs, compter sur la génération formée, illusion, vain espoir ! L'arbre vieilli peut-il se redresser ? Le fleuve impétueux remonte-t-il vers sa source ? Non ; l'oracle divin s'accomplira : L'adolescent marchera dans la voie de sa jeunesse jusqu'au tombeau[2].

Née au sein des tempêtes, jetée dans les camps au sortir de ces maisons où elle n'avait appris qu'à calculer et à marquer le pas, la génération actuelle a grandi loin de la religion qu'elle n'aime point, qu'elle ne connaît point, dont elle ne sent point la nécessité. Sourde, aveugle, haineuse, triste victime de l'impiété paternelle et d'un despotisme athée, elle mourra, comme elle a vécu, sans Dieu, sans foi, sans amour : que le monde s'y résigne, il subira jusqu'à la fin son action malfaisante.

Mais il est une autre génération née de parents chrétiens, vierge encore de l'erreur et du vice, ou du moins en qui le vice et l'erreur n'ont encore jeté que de faibles racines ; une génération qui, transmettant tout ce qu'elle aura reçu, et rien que ce qu'elle aura reçu, répandra autour d'elle l'ordre ou le désordre, la vie ou la mort ; une génération qu'un immense désir de connaître et d'aimer livre à l'influence de quiconque se présentera pour satisfaire à ce double besoin ; une génération enfin qui, malgré les innombrables causes de corruption dont elle fut environnée dès le berceau, se distingue par une franchise de caractère, une générosité de sentiments, signe infaillible de la noble mission que Dieu lui réserve pour la défense de l'Église et le salut de la société.

O vous donc, qui exercez le sublime sacerdoce de l'éducation, prêtres catholiques surtout, qui portez sur vos lèvres l'avenir du monde, souvenez-vous que vous êtes les ministres de Celui qui appelait à Lui les petits enfants, de Celui qui a dit : « Allez, enseignez, votre parole sauvera le monde ». Concentrez désormais sur cette enfance chérie de Dieu, unique espoir de la religion et de la société, les regards de votre amour ; étudiez ses vœux, ses besoins, les circonstances au milieu desquelles elle s'éveille à la vie ; rendez-vous dignes d'elle, afin de la rendre digne de Dieu. Le salut du monde est à ce prix.

L'éducation : telle est donc la grande, la principale affaire des temps actuels ; elle doit être le premier de nos soins, comme elle est le plus important de nos devoirs. Essayons de dire ce qu'elle doit être pour satisfaire aux besoins de notre époque, une des plus remarquables de l'histoire du genre humain.

Si l'on nous accuse de témérité, pour toute réponse, nous nous contenterons de cette parole de Tertullien : « Dans les grands dangers, l'Église appelle tous ses enfants au combat. In his omnis homo miles ».

 


 

[1] Vani autem sunt omnes homines in quibus non subest scientia Dei. Sap. xiii, 1.

[2] Proverbium est : Adolescens juxta viam suam, etiam cùm senuerit non recedet ab ea. Prov. xxii, 6.