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ÉTUDE SUR Mgr GAUME.
Ses ¼uvres
Son influence
Sa polémique.
 

par Mgr Antoine Ricard

P

armi les représentants de cette grande école catholique dont Le compte Joseph de Maistre fut le véritable père et le maître réel, il en est un qui nous semble devoir fixer l'attention des nouveaux venus dans l'arène où nous l'avons vu si longtemps et si vaillamment figurer, dans de brillantes passes, avec des armes nouvelles qui nous resteront pour continuer ses bons combats.

La famille à laquelle appartient ce puissant polémiste aura marqué dans les annales religieuses du siècle. On le rappelait justement à l'occasion de la mort du regretté chanoine Gaume, l'auteur de plusieurs publications exégétiques et pieuses fort estimées ; les Gaume ont tenu à honneur de suivre une ligne aussi droite qu'inflexible qui leur assure l'estime reconnaissante de tous ceux qui savent apprecier la constance et la fermeté dans les convictions, en un temps où les meilleurs ont connu de si étranges défaillances. Les éditeurs catholiques de ce nom, frères de l'éminent prélat auquel nous consacrons cette étude, ont donné eux aussi de rares exemples, en se préoccupant surtout dans leurs entreprises, quelquefois colossales, toujours remarquables, des grands intéréts de la cause à laquelle leur illustre frère a donné tant d'éclat.


 

— I —
Le Catéchisme de Persévérance —
l'Abrégé du Catéchisme de Persévérance —
Le Catéchisme des Mères chrétiennes.

M

gr Gaume aura eu, selon nous, et comme nous espérons le démontrer par un rapide examen de ses ½uvres grandes ou petites, le mérite de bien s'être rendu compte de la maladie de son temps. D'autres ont cherché à diriger le mouvement antireligieux, pour lui faire prendre une ligne de traverse qu'ils espéraient ramener au droit sentier, comme si des négations de principe pouvaient jamais conduire à des affirmations.

Mieux avisé fut, dès son premier ouvrage, l'auteur du Catéchisme de Persévérance, dont dix éditions successives ont affirmé le succès rapide et constant.

Le siècle niait le surnaturel. Mgr Gaume s'est proposé d'attaquer l'ennemi de front. Il opposera, suivant l'heureuse expression d'un éloquent dominicain, « le radicalisme des affirmations au radicalisme des négations. » La méthode des concessions lui semble fatale à l'intégrité de la doctrine, inutile même au succès de l'apologiste catholique, indigne de la sincérité de nos convictions. Celle règle de conduite apologétique restera inflexible dans ses mains, du premier jour de sa virilité aux jours encore radieux de sa vieillesse sacerdotale.

Il la montra, dans toute sa netteté loyale, dès les premières pages de ce Catéchisme de Persévérance, que tous nous avons lu avec tant d'attrait dans notre jeunesse pour le relire, comme un modèle et un guide, quand nous avons été chargés d'enseigner les autres[1].

On a dit de cette grande ½uvre qu'elle était un tableau complet de la religion sous toutes ses faces dogmatiques, morales, historiques, disciplinaires, liturgiques et symboliques. Mais on n'a pas assez fait remarquer ce qui en constitue, croyons-nous, le plus réel mérite.

La notion du surnaturel, selon la doctrine si lumineuse et si vraie de l'évêque de Tulle, doit rouler uniquement, quand on veut l'exposer dans sa belle théologie, sur la centralisation qu'exerce la figure de Jésus-Christ sur tout le plan divin des créations. En exposant la doctrine, Mgr Gaume n'a garde de manquer à cette règle, et son ½uvre pourrait s'intituler : Le Rayonnement de Jésus-Christ dans la Religion.

Divers auteurs ont tenté de reprendre en sous-½uvre cette entreprise ; leurs travaux, remarquables à divers titres, manquent de cette unité, et, partant, de cet intérêt qu'assure au Catéchisme de Mgr Gaume la pensée-mère qui en a dicté le plan et le développement.

Nous la retrouvons, cette même pensée féconde et admirable, jusque dans ces petits livres qui devaient initier à la grande exposition de la doctrine catholique et qui sont heureusement devenus Classiques entre tant de mains. Nous voulons parler de l'Abrégé du Catéchisme de Persévérance, arrivé à sa trentième édition ; du Catéchisme des Mères, et du Petit Catéchisme des Mères, délicieux petits ouvrages qui suffiraient, comme aurait dit Gerson, à assurer la reconnaissance de l'Église à leur auteur.

L'éloquent évêque de Poitiers l'a fait ressortir, ces jours-ci, avec une vigueur d'exposition incomparable ; la grande plaie du siècle, c'est l'envahissement du Naturalisme, cette erreur perfide et féconde que le Concile du Vatican a cru devoir tout d'abord atteindre et frapper.

Cette conviction, qui avait inspiré l'exposé complet et la doctrine surnaturelle dans le Catéchisme de Persévérance, porta Mgr Gaume à étudier de plus près, et avec quelques développements, les points où l'attaque du Naturalisme lui parut le plus nuisible, et où il lui semblait utile de réveiller les notions de la foi dans toute leur netteté et sans ambages. Voyons sur quels sujets le zélé prélat fit porter l'attentiondu clergé et des catholiques.

 

 II —
Traité du Saint-Esprit —
Le Credo — Traité de la Religion le Temps
et dans l'Éternité — Le Signe de la Croix au XIX° siècle — L'Eau bénite au XIXe° siècle —
La Profanation du Dimanche — La Vie n'est pas la Vie

N

ous avons compté sept ouvrages de Mgr Gaume, où cette tendance particulière se révèle avec le plus d'évidence, bien que, nous ne cesserons de le dire, elle soit la pensée-mèrede toutes ses oeuvres.

Un mot seulement sur chacun de ces sept livres.

Il est dans l'auguste Trinité des personnes divines, une personne dont le culte, négligé du grand nombre, serait pourtant digne d'attirer aujourd'hui surtout la dévotion des catholiques réfléchis.

Déjà, de son temps, où l'on vivait pourtant d'une vie de foi robuste et profonde, le grand docteur de la scholastique se plaignait de la négligence des chrétiens à adorer le Saint-Esprit. Cette adorable personne de la Sainte-Trinité est en effet comme un Dieu inconnu, pour le grand nombre. Ses opérations, son rôle dans la création et dans la sanctification des âmes, sa mission sont trop peu appréciés, parce qu'ils sont trop peu médités.

A une époque où l'Esprit du Mal, singe de Dieu, suivant l'énergique expression de Tertullien, s'efforce de faire prévaloir son action sur celle de l'Esprit du Bien, un Traité du Saint-Esprit répondait donc à un véritable besoin. Avec sa grande et belle intelligence des choses divines, notre éloquent écrivain nous en a donné un qui satisfait largement à ce besoin. De l'aveu de tous, le Traité du Saint-Esprit est un des ouvrages les plus savants, les plus utiles, et sous le rapport de la forme comme sous le rapport du fond, les plus remarquables de notre temps.

Attaquée de toutes parts, obscurcie par toute sorte de man½uvres, l'illumination surnaturelle, que l'Esprit de Dieu donne à la raison humaine, se doit de lutter contre l'envahissenrent des ténèbres.

C'est par les actes de foi que les tentations contre la foi se dissipent, et non point par des recherches qui relèvent beaucoup trop de cette superbe à laquelle Dieu résiste et refuse sa grâce. Singulier phénomène que Mgr Gaume a établi d'une manière irréfutable dans son livre d'or, le Credo.

Chrétiens qui vacillez dans la foi, âmes que le doute voudrait envahir pour en faire ses victimes, suivez le conseil qui vous est si éloquemment donné, réfugiez-vous dans le Credo. C'est le château fort dans lequel, aux heures du péril, vous trouverez un asile sûr, d'où vous pourrez braver toutes les attaques de l'ennemi.

Gardez-vous également de ne point estimer à son haut et sublime prix la religion dont le Credo est le symbole. Elle est la seule vraie ; car toutes les autres prétendues religions ne sont que des formes de l'esprit d'erreur, lequel n'a aucun droit au respect ni aux ménagements de la vérité.

Parce qu'elle est la seule vraie, la religion du Credo catholique a les promesses de la vie présente et les promessesde la vie future ; Mgr Gaume le démontre avec beaucoup de lucidité et de talent en son bon petit Traité de la Religion dans le Temps et dans l'Éternité.

Cette religion n'a pas seulement un symbole ou formule de croyance, elle a un signe plus sensible encore, puisqu'il est un composé non seulement de paroles, mais d'un acte extérieur.

Ce signe, que les premiers chrétiens avaient en si grande vénération, que les siècles de foi n'étaient à tous les actes de la vie civile et domestique, n'est plus, de nos jours, estimé à sa haute valeur et à sa merveilleuse efficacité.

C'est là un des fruits du Naturalisme dans la piété ; c'est un des résultats les plus chers à l'esprit mauvais qui le redoute comme un ennemi invincible. Rappeler les âmes à cette pratique et les éclairer sur son but providentiel, c'était rendre aux temps troublés que nous traversons le service signalé que leur a rendu le docte auteur du Signe de la Croix au XIX° siècle.

A côté du Signe de la Croix, avec lui presque toujours, vient se placer un autre ennemi redouté de Satan, et dès lors nécessairement fort négligé à une époque où le père dumensonge a été assez habile pour faire nier son action infernale et jusqu'à son existence, autrefois affirmées par tant d'évidentes manifestations. L'Eau bénite, au XIXe° siècle, si peu connue, si peu prisée par rapport aux temps où elle constituait l'élément principal des pratiques chrétiennes, aura trouvé sa vengeance et sa défense dans l'éloquent opuscule dont nous venons de citer l'intitulé. Comme le Credo, ces deux derniers ouvrages ont été honorés par Pis IX des Brefs les plus flatteurs, qui en montrent toute l'importance.

Le Christianisme s'affirme par le Credo, par le Signe de la Croix, par l'usage de l'Eau bénite ; il s'affirme aussi par la fidélité à garder un des jours de la semaine au service de Dieu. Dans sa lutte à outrance contre le Christianisme, la Révolution n'eut garde d'omettre l'attaque de cet acte de foi permanent, passé dans les m½urs des peuples chrétiens.

Sans oser contester le principe, elle contesta l'application et substitua la décade au dimanche, comme le socialisme communiste substitua plus tard le lundi au premier jour de la semaine pour le repos de l'ouvrier, toujours en haine de la révélation et de la foi. La Profanation du Dimanche, héritage de la Révolution satanique, est, dans un uvrage qui n'a point vieilli et qui porte ce titre, jugée et condamnée, comme elle le mérite, par Mgr Gaume.Nous ne finirons pas cette nomenclature sans attirer toute l'attention des admirateurs de notre écrivain sur l'un de ses livres, peut-être le plus intéressant, et à coup sûr l'un des plus remarquables. Sous son titre un peu étrange : la Vie n'est pas la Vie, il présente à tout homme soucieux de son avenir les considérations les plus éloquentes, les plus pressantes exhortations, les déductions les plus ingénieuses.

On peut ne pas admettre à l'égal d'un dogme, — et cen'est point d'ailleurs l'intention de l'auteur, — toutes les conséquences de ces déductions, mais on ne peut s'empêcher d'y voir les meilleures études ou divinations sur ce que doit être la vie du Ciel, seule vie véritable et digne de notre amour. Là, tout est surnaturalisé, là surtout, nous oublierons les divergences d'idées et de méthodes qui nous divisèrent ici-bas.

— III —
La Révolution — l'Histoire de
la société domestique — Le Ver rongeur — Les Classiques chrétiens.

C

eci nous amène à toucher un des côtés les plus célèbres de la vie militante de Mgr Gaume. Nous ne referons pas cette histoire, qui ne sera du reste bien jugée que dans quelques années, quand auront disparu de la scène du monde les acteurs qui y prirent part, en y mêlant les passions qui laissent toujours percer par quelque bout l'infirmité de la nature humaine.

Mais elle nous semble avoir, du côté de Mgr Gaume au moins, toute sa genèse dans sa haine contre le principe, révolutionnaire qui tend à devenir aujourd'hui le maître du monde.

Cette haine, cette sainte colère du fils de lumière contre l'envahissement de la nuit, éclate, dans toute son énergie,à travers ces 12 volumes que la postérité étudiera avec soin, pour avoir la philosophie de I'Histoire de la période révolutionnaire, où nous avons le malheur de vivre.

L'éloquent auteur d'une brochure qui a justement fixé l'attention des esprits réfléchis et élevés, au sortir de la dernière guerre, le Père Caussette le disait, dans son étude sur Dieu et les Malheurs de la France :

— « Révolution, cela veut dire que Dieu c'est le mal, que la propriété c'est le vol, que l'anarchie c'est l'ordre, que les peuples sont faits pour la République, non la République pour les peuples, et que sur la ruine de tous les principes, de toutes les croyances, du bon sens outragé et de la nature indignée, une forme de gouvernement, une abstraction politique doit devenir l'objet de l'idolâtrie universelle.

— « Ainsi entendue, la Révolution, c'est la mystique du satanisme, c'est la reconstruction du monde sens dessus dessous ; c'est la marche de l'humanité la tête en bas ; enfin, c'est un embrassement sanglant de l'orgueil et de la convoitise se rencontrant au milieu d'un chaos, sans Dieu pour recommencer la fécondation du néant. »

Mgr Gaume a étudié la Révolution, depuis la Renaissance jusqu'à nos jours. Il en expose, avec une rare vigueur de dialectique, la généalogie, le travail de reconstruction ou plutôt de destruction religieuse, sociale, philosophique, littéraire, artistique. Il étudie les caractères, les effets et les origines du voltairianisme, du Césarisme, du Protestantisme, du Rationalisme et la prétendue Renaissance qui leur donnele jour.

Par la force des preuves, par l'érudition choisie, par les aperçus lumineux qui le distinguent, cet ouvrage rappelle la hauteur de vue et la fermeté de coup d'oeil des de Maistre et des Donoso Cortès.

Déjà, dans un ouvrage malheureusement épuisé depuis plusieurs années, l'ardent adversaire de la Révolution avait raconté l'Histoire de la société domestique chez tous les peuples, afin de montrer l'influence du Christianisme sur la famille. Ici, le sujet s'agrandit, et il s'éclaire par le contraste des ténèbres et de l'influence désorganisatrice de cet antichristianisme qui a nom la Révolution.

L'action révolutionnaire de la Renaissance sur l'éducation ne pouvait manquer d'attirer les regards d'un historien aussi attentif. Il la fouilla avec une sollicitude pleine d'angoisses. Frappé de l'influence du paganisme sur la Renaissance, ne se dissimulant point qu'elle n'était au fond qu'une résurrection de l'idolàtrie, puisqu'elle tendait à replacer le démon sur des autels moins grossiers peut-être, mais à coup sûr non moins ennemis du Vrai Dieu, il songea à saper ce paganisme dans l'action que lui assurait la perfection relative des formes littéraires, au moyen desquelles les auteurs paiens inoculaient ses doctrines et son esprit dans les jeunes intelligences

On se rappelle les tempêtes que souleva l'apparition du Ver rongeur. Appuyé sur des faits incontestables, l'auteur y montrait les ravages du Paganisme dans l'éducation et par l'éducation dans la Société.

Comme conséquence, il proposait une prompte réforme, sans laquelle il annonçait que l'Europe irait aux abîmes. Il n'a été que trop prophète.

Faussement traitée d'exagération, la réforme demandée consistait à introduire largement l'élément littéraire chrétien dans les études classiques et à expurger sévèrement les auteurs païens qu'on croirait pouvoir laisser entre les mains de la jeunesse, enfin à enseigner chrétiennement les auteurs païens.

On s'étonne à bon droit de l'opposition violente qui fut faite à des demandes si raisonnables ; mais la réforme proposée heurtait trop de préjugés pour ne pas rencontrer de nombreux adversaires. Les objections vinrent de toutes parts, mais avec une aigreur, une animosité de ton qui en trahissaient la faiblesse.

Dans les Lettres à Mgr Dupanloup, publiées au fort de la lutte, Mgr Gaume en fit justice avec un calme et une solidité qui, au jugement des maîtres, font de cette publication un modèle de polémique.

Cependant, pour une raison qu'il est inutile de rappeler ici, l'Épiscopat français était divisé sur la réforme demandée. Le Souverain Pontife intervint, d'abord par la circulaire ducardinal Antonelli, et plus tard par l'Encyclique Inter multiplices du 21 mars 1853.

Dans cet acte solennel, PIE IX consacre la thèse de Mgr Gaume, et, pour lui donner un témoignage public de sa bienveillance, il élève le courageux écrivain à la plus haute prélature romaine.

Cette lutte orageuse a eu trois résultats incontestables : la nécessité des auteurs païens pour former des littérateurs chrétiens, de l'état de dogme où elle était, a passé à l'état de problème ; l'expurgation des auteurs païens a été faite avec plus de soin ; les auteurs chrétiens sont entrés dans un bon nombre d'établissements dont jusqu'ici les portes leur avaient été fermées.

Pour rendre pratique une réforme si désirable, notre infatigable prélat a publié une collection fort estimée de Classiques chrétiens, latins et grecs, et deux volumes de Prosateurs et de Poètes profanes soigneusement expurgés, suivant les prescriptions du Saint-Père.

 

— IV —
La Situation, l'Europe en 1848 (I. Où allons-nous ? — II. Où en sommes-nous ?)

C

es travaux, plus que suffisants pour absorber la vie d'unhomme, n'ont pas épuisé le riche fonds de science et detalent que Mgr Gaume a mis au service de la vérité. L'½il aux aguets, comme la sentinelle dont parle Isaie, il n'a cessé, depuis le commencement de sa carrière littéraire et militante, de regarder dans la nuit du Naturalisme et de la Révolution. De là, diverses ½uvres de polémique sociale, qu'il est temps d'examiner avec quelque soin.

— « Les idées gouvernent, a justement remarqué l'éminent évêque de Poitiers dans sa récente instruction synodale sur la première constitution dogmatique du concile du Vatican, les Idées gouvernent et commandent les actes.

— « Or, parce qu'il y a encore une société, et que méme, après qu'elle a méconnu Dieu, trahi Dieu, expulsé Dieu, la société est obligée, sous peine de mort, de s'attribuer et d'exercer des droits divins, par exemple d'affirmer certains principes, d'établir des lois, d'instituer des juges, de se protéger elle-même par des armées, enfin d'opposer des digues à ce qu'elle nomme encore le mal, et que d'autres appellent le bien, attendu que c'est la satisfaction d'un besoin naturel, d'une vie naturelle, de cette nature enfin qui est le vrai et l'unique divin ; à cause de cela, et en haine des éléments conservateurs qu'elle est forcée de retenir, la société naturelle se voit en butte à toutes les agressions dont l'ordre surnaturel avait été le point de mire.

— « A son tour, elle est la grande ennemie, la grande usurpatrice, le grand tyran, le grand obstacle qu'il faut renverseret détruire à tout prix : société politique et civile, société même domestique, car les deux sont fondées sur la stabilité du mariage qui est pour la nature un joug intolérable, sur l'hérédité qui est une violation manifeste de l'égalité naturelle, et enfin sur la propriété qui est le vol par les individus d'un bien appartenant par nature à tous.

— « Et ainsi, conclut le grand évêque, de négation en négation, le naturalisme conduit à la négation des bases mêmes de la nature raisonnable, la négation de toute règle du juste et de l'injuste, par suite au renversement de tous les fondements de la société. »

Hélas ! sous de beaux noms, sous de fallacieux prétextes, ces erreurs sociales ont trouvé, même de la part de certains catholiques, une complicité que la constitution conciliaire a flétrie énergiquement.

Mgr Gaume l'avait fait remarquer à ceux qu'égaraient les séduisantes données du libéralisme. Pour le démontrer, il faudrait citer ici le plan des diverses brochures politiques du profond polémiste.

Elles s'inspirèrent toutes des exigences de l'actualité, comme La Situation, l'Europe en 1848 ; mais elles allèrent toujours plus loin, et rien n'est frappant comme la prophétie de ce volume si bien intitulé : Où allons-nous ? écrit dès l'an 1844, sept ans au moins avant les événements qu'il annonçait. Aussi, comprenons-nous que l'auteur ait eu une douloureuse satisfaction, l'an dernier, à intituler la seconde partie de son ½uvre : Où en sommes-nous ? Le Pape a loué avec effusion ce dernier travail, qui nous semble le résumé le plus fidèle et le plus complet des leçons de la Providence à notre malheureux pays.

La plupart de ces brochures, dont la première surtout était épuisée depuis longtemps, ont été réimprimées en un volume trop modestement décoré du titre d'Opuscules, car, on vient de le voir, ce sont de vraies ½uvres de maître, et, à notre avis, l'une d'elles peut compter parmi ses chefs-d'½uvre.

— V —
Les Trois Rome — Histoire des Catacombes

L

a première constitution dogmatique du Concile du Vatican n'a été, pour ainsi dire, que le prélude de cette grande constitution qui sera la plus belle gloire de ce Concile devant la postérité. Après avoir condamné les erreurs modernes contre la foi catholique, les Pères tournent leurs regards vers le siège romain, vers cette chaire apostolique, interprète et gardienne infaillible de la vraie foi.

En luttant contre le naturalisme, l'éminent athlète dont nous racontons les glorieux combats n'a eu garde d'oublier Rome. Rome ?... Elle fut grande cette ville, dans son passé. Mais combien plus grande elle a été, depuis que Pierre, sur l'ordre de l'Esprit-Saint, en fit le centre de l'Église

Mgr Gaume a décrit avec amour et avec foi Les Trois Rome.Il nous a fait descendre dans la Rome souterraine par sa belle Histoire des Catacombes, qu'on relit avec plaisir et toujours avec fruit même après les savants travaux de Rossi et de ses vulgarisateurs français. Quant aux Trois Rome, il suffit d'en dire ce qu'en a dit l'écrivain qui, avec Gerbet, aura eu le plus droit de juger les ouvrages sur Rome : « Fruit d'un travail intelligent et d'une vaste lecture, dit M. Louis Veuillot, en parlant de cette ½uvre de Mgr Gaume, cet ouvrage est le plus complet. C'est le vrai guide religieux dans Rome et dans l'Italie. »

 

— VI —
Bethléem — L’Horloge de la Passion —
Histoire du bon Larron — le Grand Jour approche — Le Seigneur est mon partage — Manuel des Confesseurs —
Judith et Esther — Suéma —
Voyage du P. Horner

N

ous voici au terme de cette étude. Ce qui nous reste à énumérer est dans toutes les mains, c'est le fruit de ce côté du talent de Mgr Gaume, qui a popularisé son nom parmi la jeunesse, les communautés et les personnes pieuses.

Le surnaturel dans la piété. On sent que le pieux prélat est heureux de s'y arréler, comme dans un élément qui lui est familier. Il s'y complaît, soit qu'il s'agisse de la dévotion à Jésus enfant (Bethléem) ; de la dévotion aux souffrances du divin Maître (Horloge de la Passion et Histoire du bon Larron); de la préparation à la première communion (le Grand Jour approche), ou de l'action de grâces après cet heureux jour, dont il a tant contribué à exalter les faveurs ineffables (Le Seigneur est mon partage) ; du sacrement de Pénitence (Manuel des Confesseurs) ; des souvenirs bibliques les plus appropriés aux besoins de la piété contemporaine (Judith et Esther) ; de la vie d'une petite esclave martyrisée dans des circonstances horribles pour la nature (Suéma), ou des merveilles de l'apostolat catholique (Voyage du P. Horner).

Il conviendrait sans doute de s'appesantir sur chacune de ces délicieuses productions, vrais bijoux composant un écrin presque complet pour servir à l'ornement spirituel d'une âme chrétienne. Mais la plupart de ces volumes sont dans toutes les mains. Traduits dans presque toutes leslangues connues, ils ne comptent plus le nombre de leurs éditions. Nous le constatons avec une véritable joie ; car l'étude des ½uvres de Mgr Gaume est l'une des études les plus profitables que l'on puisse faire à notre époque.

Heureux les écrivains qui auront su, comme Mgr Gaume tenir l'impiété et l'hérésie à longueur de lance, tout en édifiant les bons et en raffermissant les faibles !

Mgr. RICARD

Prélat de la Maison

de Sa Sainteté.


 


 

[1] La doctrine du Catéchisme de Persévérance, a dit Mgr Donnet, archevêque de Bordeaux, est puisée aux meilleures sources. Le style de cet ouvrage est clair, attachant, vif et pénétrant. Le plan en est vaste et embrasse à la fois l'histoire du christianisme et des ordres religieux, l'exposition des dogmes, l'explication de la morale, des sacrements et des cérémonies de l'Eglise. La méthode employée par l'auteur est celle qu'ont suivie avec tant de succès les Pères grecs et latins, celle enfin que plusieurs grands Évêques desiraient qu'on fît revivre parmi nous.